Chr. BRUA
Publié novembre 2008,  actualisation :  05/05/2010, 21/04/2011/09/11/2014

SOCIETE ALSACIENNE D'ENTOMOLOGIE


Comme la plupart des coccinelles, l'adulte et les larves de la Coccinelle asiatique sont des prédateurs très actifs des pucerons, c'est pour cette raison qu'elle avait été introduite dans une optique de lutte biologique. Depuis, elle est passée à l'état sauvage et prolifère. Sa zone de dissémination s'étend en quelques années sur plusieurs pays européens. Cette espèce invasive occasionne de nombreux problèmes environnementaux.

Présentation :

La Coccinelle asiatique Harmonia axyridis (Pallas, 1773) est un insecte appartenant à l'ordre des coléoptères. Ordre dont le nombre d'espèces est estimé à 5.000 en Alsace.

61 espèces indigènes (locales) de coccinelles sont recensées en Alsace. Des risques de confusion existent donc, d'autant plus que parmi elles certaines viennent également hiverner dans les maisons, heureusement en nombre plus réduit.

Parmi, les espèces ressemblant à la Coccinelle asiatique on trouve la Coccinelle à 7 points Coccinella septempunctata Linné, 1758. C'est également une grande espèce de la même taille que l'asiatique, mais un peu plus allongée. Toutefois, elle se présente uniquement sous la forme "classique" : élytres rouges à points noirs. Elle n'entre pratiquement jamais dans les maisons

H. axyridis est la seule grosse coccinelle commune qui est très arrondie latéralement, lui donnant une forme presque hémisphérique. Seule Coccinella magnifica Redtenbacher a la même forme, mais elle possède un dessin très constant proche de celui de C. septempunctata, mais c'est une espèce myrmécophile assez rare et localisée à proximité immédiate des grands dômes des fourmis des bois du groupe Formica rufa.

La Coccinelle à 2 points Adalia bipunctata Linné, 1758, est une autre espèce similaire un peu plus petite, mais également commune. Elle se présente, au moins sous 6 formes différentes, certaines à élytres rouges avec 2 points noirs ou plusieurs confluents, d'autres noirs à 4 ou 6 points rouges. On trouve régulièrement cette espèce en Alsace dans les maisons, ainsi que Oenopia conglobata (Linné) (nettement moins commune). Ces deux espèces sont difficiles à confondre avec H. axyridis car nettement plus petites.
détail
Harmonia axyridis - une espèce extrêmement polymorphe !
Photo Chr. Brua

La Coccinelle à onze points Semiadalia undecimnotata (Schneider, 1792) et une des nombreuses autres espèces similaires.

Il existe une espèce indigène plus grosse (jusqu'à 9 mm) : Anatis ocellata (Linné). Cette espèce est assez rare et se rencontre sur les conifères.

La Coccinelle asiatique est extrêmement polymorphe, plus de 122 variétés de coloris et de motifs ont été décrites (MADER, 1931), mais ne correspondant qu'à 32 formes génétiques (TERNOIS V. et coll., 2008). Cette particularité peut donc aider, lorsqu'on est en présence d'un regroupement, pour savoir si ce sont bien des Coccinelles asiatiques auxquelles on a affaire. Les espèces locales sont moins variables, sauf Adalia decempunctata (Linné), mais c'est une espèce nettement plus petite et ses motifs très différents permettent de la différencier.

Historique de son introduction :

Cette espèce est autochtone du Sud-Est asiatique. 

En 1982, cette espèce est importée en France par L'INRA (PIOTTE, <2008). Apparemment, cette première souche n'aurait pas présenté de facultés d'acclimatation et, bien qu'elle ait été lâchée dans différentes régions, elle ne serait pas à l'origine de la population invasive (BIOTOP, 2007)

Dans les années 1990, une autre souche a été importée pour être utilisée aux Pays-Bas par les horticulteurs, pour la lutte biologique contre les pucerons sous serres.

Plus récemment, en 1997 elle avait aussi été importée en Belgique, où les premières pullulations ont été signalées en 2001.

Au début du 20e siècle, dès 1908 (BBA,2003) et 1916 (RALOF, 2007), des agriculteurs américains avaient périodiquement essayé, sans succès, de l'implanter aux Etats-Unis. Les tentatives réalisées dans les années 1970 et 1980 ont finalement réussies, au point qu'en 1990 les premières proliférations ont eu lieu en Louisiane, pour finalement atteindre le Canada. Cela aurait du rendre les Européens plus prudents avant d'avoir recours à cette espèce.

Localement l'espèce est signalée dès 2004 en Alsace, et a été capturée en nombre à Strasbourg dès 2005 (CALLOT).

Répartition pour l'Europe : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne (Pays Basque), France, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse...

Les nuisances et problèmes occasionnés par la Coccinelle asiatique :


Menace pour la biodiversité.
Lorsque ses proies habituelles que sont les pucerons, les psylles, les cochenilles... viennent à manquer elle consomme aussi des larves de coccinelles autochtones. Il s'ensuit un déséquilibre et un risque de fragilisation des populations de certaines coccinelles locales qui sont pour certaines déjà malmenées du fait des différentes activités humaines (urbanisation, disparition des milieux naturels, expansion des zones cultivées, pesticides, jardins artificialisés...). En Belgique, ainsi qu'au Canada dans le Michigan certaines espèces seraient en voie de disparition (MOUSSADEK M., Le Temps). Une étude (OTTARD N. A., 2005) menée dans les parcs de Bruxelles a montré que H. axyridis est devenue, en deux ans, l'espèce dominante sur trois espèces d'arbres inspectées et cela au détriment de A. bipunctata et de Harmonia quadripunctata (Pontoppidan) ! En outre, l'abondance d'A. decempunctata y a également fortement chutée. Des espèces locales peuvent être tuées par confusion avec cette espèce.

Cette espèce à pu être observée dans de très nombreux endroits en Alsace, y compris dans des milieux naturels protégés du piémont alsacien ou en plaine.
amas hivernant
Colonie hivernante sous l'écorce déhiscente dans un bois de la plaine alsacienne. Mars 2007  Photo Chr. Brua

Harmonia axyridis sur raisin
E. C. BURKNESS. Univ. of Minn.
Menace pour la viticulture. Cette espèce peut se trouver attirée par des fruits mûrs, blessés, pour se nourrir de leur jus sucré. Elles peuvent ainsi être présentes dans des grappes de raisin au moment des vendanges. Dans le pressoir, elles seront écrasées avec le raisin et contamineront le jus par leur odeur malodorante. En bout de course, le vin se trouve dénaturé voir même nocif. Ainsi aux Etats-Unis, la récolte complète de certains vignobles à du être détruite car contaminée. Preuve en est que ce problème est bien réel, car les organisations viticoles américaines ont défini des seuils (nombre de coccinelles par kg) à ne pas dépasser. Au printemps 2007, à Chicago, lors de sa réunion la Société Américaine de Chimie (American Chemical Society) une conférence a porté sur les effets de l'odeur des coccinelles sur le vin. Des chimistes ont étudiés différentes techniques de neutralisation des substances, issues des coccinelles écrasées, du vin. (RALOF, 2007; VITI.NET, 2008)

Gêne pour les habitants lors de leurs regroupements.
A l'instar d'espèces locales, cette coccinelle hiverne dans les bâtiments. A l'automne, lorsque les températures baissent, elle choisit un immeuble dont la façade est ensoleillée. Lorsqu'un individu trouve un abri adéquat, il émet un message olfactif qui va en attirer d'autres. Cela explique pourquoi on en trouve en masse sur un immeuble précis, mais pas sur les voisins. Certaines, à la recherche de chaleur, vont pénétrer dans les appartements et importuner leurs habitants. Des amas de 100 ou de 1.000 individus sont fréquents, certains plus rares atteignent les 10.000 !

Bien qu'elles soient inoffensives pour les humains, la gêne occasionnée est essentiellement visuelle et olfactive. Elles peuvent aussi être à l'origine de tâches sur les papiers peints ou les tissus clairs. Pour l'instant, seuls quelques très rares cas d'allergies et de morsures ont été signalées (62ACTU.NET, 2007).

Que faire pour s'en débarrasser ? Ceux qui ont essayé de les enlever manuellement ou à l'aide d'une balayette ont rapidement constaté que d'une part elles tentent de s'enfuir mais surtout qu'elles réagissent en dégageant une forte odeur nauséabonde. Il s'agît d'une réaction défensive par saignée réflexe au niveau des articulations des pattes. Des gouttelettes jaunes d'hémolymphe (leur sang), contenant des alcaloïdes, sont émises. L'utilisation d'insecticides en aérosols n'est pas non plus une solution adaptée, le temps qu'il agisse elles pourront libérer leur arme chimique. Leur emploi à l'intérieur des locaux n'est pas non plus sans danger pour la santé. Ainsi, la technique de l'aspirateur permet de les capturer rapidement sans qu'elles aient eu le temps de réagir. L'astuce consiste à utiliser un collant, comme filtre, après l'avoir  introduit dans le tube de l'aspirateur. Pour les tuer il suffit de les noyer dans un peu d'eau savonneuse (liquide vaisselle). Rien ne sert de vouloir les protéger. En les relâchant à l'extérieur, soit elles vont occasionner leurs méfaits ailleurs, soit elles vont revenir ! Le risque de ces destructions est de tuer des coccinelles autochtones par confusion. Il faudra également veiller à les empêcher de pénétrer par les aérations souvent présentes au niveau des fenêtres ou des façades en y plaçant des moustiquaires et bien sûr fermer portes et fenêtres.

Des solutions pour l'avenir ?

En 2007, des chercheurs de la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux (FUSAGx Belgique) sont parvenus, après plusieurs années d'études, à comprendre le langage chimique de la Coccinelle asiatique. Ils sont parvenus à décrire cette phéromone d'agrégation. Sa synthèse permettra peut-être la mise au point de pièges qui, espérons le, seront suffisamment efficaces et spécifiques. Il faudra là aussi veiller à ce que d'autres espèces ne soient pas attirées et se fassent piéger.

L'adaptation de parasitoïdes locaux à cette nouvelle venue, permettra peut-être également de la limiter naturellement (BIOTOP, 2007). Mais là également apparaît un nouveau risque pour les espèces locales. En effet, si les populations de parasitoïdes de la Coccinelle à quatre points Harmonia quadripunctata (Pontoppidan, 1763), espèce locale, parviennent à s'adapter, on peut craindre qu'elles vont croître et par conséquent occasionner une pression plus importante sur l'espèce locale dont les effectifs sont plus faibles.

La poursuite de la commercialisation de cette espèce :

Même si cela ne stoppera plus son expansion nous demandons aux autorités de faire le nécessaire pour que la commercialisation de cette espèce sous toutes ses formes, "bon voilier" et "sédentaire", soit également interdite à l'instar d'autres pays européens. En Allemagne le lâcher est soumis à une autorisation administrative au cas par cas, sous peine d'amende (BBA, 2003). Sa commercialisation est déjà interdite en Suisse, Grande-Bretagne et Belgique.

La firme BIOTOP, "filiale" de l'INRA, poursuit la vente de la Coccinelle asiatique sous une forme "sédentaire", aux muscles ailaires atrophiés. Les arguments avancés par cette entreprise commerciale mettent en avant la mobilité réduite de cette souche sélectionnée.

Pourtant de nombreux insectes aptères ont déjà montré leur capacité à coloniser de vastes territoires : divers charançons, comme par exemple celui du troène, une petite sauterelle le Méconème fragile Meconema meridionale (Costa, 1860) ; la forme "sédentaire" proposée en remplacement n’offre donc toutes les garanties d’innocuité.

Nous demandons également l'arrêt des tests menés en pleins-champs avec la forme "sédentaire" dans différentes régions françaises dont l'Alsace sur le houblon (PIOTTE, <2008).

Cette forme "sédentaire", malgré ses gênes homozygotes, va bien s'accoupler avec la forme "bon voilier" pour créer de nouveaux hétérozygotes. Selon l'exemple fournit on constate que, conformément aux lois de l'hybridation, le gène est "récessif", ce qui est dommage car il ne parviendra éventuellement qu'à affaiblir la dynamique de l'espèce. De toute manière, la population "sauvage" est tellement importante, que cela ne changera pas grand chose. Par ailleurs, ce n'est pas parce que la présence de Coccibelle© sur une culture n'empêche pas l'arrivée d'autres auxiliaires, dont Adalia bipunctata, qu'elles ne vont pas devoir se partager la table et les dévorer.

La firme BIOTOP prône par ailleurs le recours à l'introduction d'autres espèces exotiques pour en faire des auxiliaires, en se basant sur de nombreux succès obtenus ainsi dans d'autres pays.

La commercialisation et l'utilisation devraient se limiter aux seules espèces autochtones, comme Adalia bipunctata, même si pour certains il faut leur attribuer un nom commercial, tel que Coccifly© ! Mais peut-on éthiquement déposer une marque commerciale sur une espèce sauvage ?

De toutes les manières, il sera bientôt inutile d'acheter cette espèce dans les zones où elle pullulera !

Conclusion :

L'invasion de cette espèce illustre bien le fait que toute méthode de lutte possède ses avantages et ses désavantages, y compris malheureusement la lutte biologique. Si l'emploi d'insecticides tue beaucoup plus d'insectes appartenant à des espèces non ciblées et non gênantes pour la culture à protéger, surtout lorsque leur emploi est massif et non raisonné, il peut néanmoins être stoppé ou interdit. Les causes principales de disparition des insectes en Alsace, sont prioritairement la disparition et la transformation des milieux naturels (la mise en culture de plus en plus de terres, la fertilisation des prairies, le développement des zones artisanales, commerciales, de loisirs et des lotissements, le gyrobroyage généralisé et excessif des bas côtés, la disparition des haies, les prairies fleuries exotiques...). Par contre, lutter contre une espèce exotique lorsqu'elle est invasive est quasiment impossible. De plus en plus d'espèces exotiques parasitoïdes sont ainsi introduites et commercialisées dans le cadre de la lutte biologique, certes elles doivent désormais monter patte blanche avant que leur usage puisse être homologué en France et dans l'Union Européenne, mais ces tests peuvent-il réellement garantir leur innocuité ?

Plutôt que d'acheter et d'élever des coccinelles exotiques ne vaut-il pas mieux de favoriser les espèces naturellement présentes ?  Pour cela, il convient déjà dans un premier temps de leur laisser quelques zones refuges en "friche" dans nos jardins et nos campagnes : haies, massifs de lierre, de ronces et d'orties, et veiller à ne pas vouloir tout rendre propre. Cela permettra aux espèces locales d’y trouver un refuge et d’être présentes dès le début des pullulations de pucerons. Puis dans un second temps on évitera l'emploi intempestif d'insecticides, et si un traitement ne peut vraiment pas être évité on choisira une substance active insecticide qui les épargnera, tout comme d'autres insectes et auxiliaires (chrysopes, syrphes, punaises...), tel le pyrimicarbe qui est un aphicide strict.
 
Comment nous aider à mieux connaître cette espèce :
  • Nous recherchons à observer des rassemblements de taille exceptionnelle de l'ordre des 10.000 exemplaires. 
  • Des présences massives dans les vignes, ainsi que sur les grappes vendangées nous intéressent également.
  • Des cas de malaises : allergies.
Merci de nous les signaler.
par e-mail : sae.coccinelle@gmail.com

Vous pouvez-également nous adresser quelques photos.




ou par courrier : 
Société Alsacienne d'Entomologie
Enquête Coccinelle asiatique
7 rue d'Adelshoffen
67300 SCHILTIGHEIM
(SVP y joindre 2 timbres pour réponse


Merci de ne pas téléphoner au musée,
nous n'y avons pas de personnel permanent.

Pour les autres observations concernant la répartition, nous vous conseillons de les signaler directement auprès de l'Observatoire national :
formulaire de saisie.

Depuis plus de 30 ans, la Société Alsacienne d’Entomologie réalise des catalogues et atlas de répartition d’insectes dans notre région. 18 catalogues donnant la répartition de plus de 4.000 espèces de coléoptères ainsi que plusieurs centaines d’articles ont déjà été publiés. De nombreuses espèces nouvelles pour la faune régionale et même française sont encore régulièrement découvertes.
SAE Tome 9
Pour en savoir plus :
L'Observatoire permanent pour le suivi de la Coccinelle asiatique :
cartes de répartition par années de l'invasion en France, biologie, historique...
Carte de l'observatoire
Reportage Télévision Suisse C'est L'Heure : Canal Zoom 19/10/2007 (wmv, 29 Mo, 4:50 minutes)  : Interview de François VERHERGGEN Assistant de l'Unité d'Entomologie de la FUSAGx. Problématique, cycle, cages d'élevage, tests de laboratoire (électroanténnographie), projet de pièges à phéromones.

Reportage FRANCE3 Alsace du 08/10/2008 : http://alsace.france3.fr/

Revue Insectes de L'OPIE (affiliée à l'INRA) :  La Coccinelle asiatique et (suite) + proposition de vente (!) de la forme sédentaire Coccibelle© sélectionnée par la firme BIOTOP en partenariat avec l'INRA !

Pour la Grande-Bretagne : http://www.harlequin-survey.org/ et l'explosion par millésimes : http://www.harlequin-survey.org/spread.htm
 
Pour l'Allemagne invasion à l'automne 2002 Frankfort et Hambourg.


Pour l’identification de quelques-unes des coccinelles françaises nous vous conseillons le petit dépliant :
"Identifier les coccinelles"  Miniguide de « La Salamandre » n°21 – 2006 – ISSN 1660-0150 – environ 2 euros.




Sources :
visuel Miniguide Coccinelles
La Coccinelle asiatique
Harmonia axyridis

 en Alsace

Remerciements :

MM. Henry CALLOT, Sylvain HUGEL, Bernard SCHMELTZ.
Citation recommandée :
BRUA C. (SAE) : La Coccinelle asiatique  Harmonia axyridis en Alsace. http://www.societe-alsacienne-entomologie.fr page : http://soc.als.entomo.free.fr/axyridis.html consultation du (date).

Accès à la : Liste des INSECTES EXOTIQUES présents en Alsace