Chr. BRUA
Publié novembre
2008, actualisation : 05/05/2010, 21/04/2011/09/11/2014SOCIETE ALSACIENNE D'ENTOMOLOGIE Comme la plupart
des coccinelles, l'adulte
et les larves de la Coccinelle asiatique sont des
prédateurs très actifs des pucerons, c'est pour
cette
raison qu'elle avait été introduite dans une
optique de
lutte biologique. Depuis, elle est passée à
l'état
sauvage et prolifère. Sa zone de dissémination
s'étend en quelques années sur plusieurs pays
européens. Cette espèce invasive occasionne de
nombreux
problèmes environnementaux.
Présentation :
La Coccinelle à
onze points Semiadalia
undecimnotata
(Schneider, 1792) et une des nombreuses
autres espèces similaires.
Il existe une espèce indigène plus grosse (jusqu'à 9 mm) : Anatis ocellata (Linné). Cette espèce est assez rare et se rencontre sur les conifères. La Coccinelle asiatique est extrêmement polymorphe, plus de 122 variétés de coloris et de motifs ont été décrites (MADER, 1931), mais ne correspondant qu'à 32 formes génétiques (TERNOIS V. et coll., 2008). Cette particularité peut donc aider, lorsqu'on est en présence d'un regroupement, pour savoir si ce sont bien des Coccinelles asiatiques auxquelles on a affaire. Les espèces locales sont moins variables, sauf Adalia decempunctata (Linné), mais c'est une espèce nettement plus petite et ses motifs très différents permettent de la différencier. Historique de son introduction : Cette espèce est autochtone du Sud-Est asiatique. En 1982, cette espèce est importée en France par L'INRA (PIOTTE, <2008). Apparemment, cette première souche n'aurait pas présenté de facultés d'acclimatation et, bien qu'elle ait été lâchée dans différentes régions, elle ne serait pas à l'origine de la population invasive (BIOTOP, 2007). Dans les années 1990, une autre souche a été importée pour être utilisée aux Pays-Bas par les horticulteurs, pour la lutte biologique contre les pucerons sous serres. Plus récemment, en 1997 elle avait aussi été importée en Belgique, où les premières pullulations ont été signalées en 2001. Au
début du 20e siècle, dès 1908 (BBA,2003)
et 1916 (RALOF,
2007), des agriculteurs américains
avaient périodiquement essayé, sans
succès, de l'implanter aux
Etats-Unis. Les tentatives réalisées dans les
années 1970 et 1980 ont finalement réussies, au
point qu'en 1990 les premières proliférations ont
eu lieu en Louisiane, pour finalement atteindre le
Canada. Cela aurait du rendre les Européens plus prudents
avant
d'avoir recours à cette espèce. Répartition pour l'Europe : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne (Pays Basque), France, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse... Les nuisances et problèmes occasionnés par la Coccinelle asiatique :
Gêne pour les habitants lors de leurs regroupements. A l'instar d'espèces locales, cette coccinelle hiverne dans les bâtiments. A l'automne, lorsque les températures baissent, elle choisit un immeuble dont la façade est ensoleillée. Lorsqu'un individu trouve un abri adéquat, il émet un message olfactif qui va en attirer d'autres. Cela explique pourquoi on en trouve en masse sur un immeuble précis, mais pas sur les voisins. Certaines, à la recherche de chaleur, vont pénétrer dans les appartements et importuner leurs habitants. Des amas de 100 ou de 1.000 individus sont fréquents, certains plus rares atteignent les 10.000 ! Bien qu'elles soient inoffensives pour les humains, la gêne occasionnée est essentiellement visuelle et olfactive. Elles peuvent aussi être à l'origine de tâches sur les papiers peints ou les tissus clairs. Pour l'instant, seuls quelques très rares cas d'allergies et de morsures ont été signalées (62ACTU.NET, 2007). Que faire pour s'en
débarrasser ? Ceux
qui ont essayé de les enlever manuellement ou à
l'aide
d'une balayette ont rapidement constaté que d'une part elles
tentent de s'enfuir mais surtout qu'elles réagissent en
dégageant une forte odeur nauséabonde. Il
s'agît
d'une réaction défensive par saignée
réflexe au niveau des articulations des pattes. Des
gouttelettes
jaunes d'hémolymphe (leur sang), contenant des
alcaloïdes, sont émises. L'utilisation
d'insecticides en
aérosols n'est pas non plus une solution adaptée,
le
temps qu'il agisse elles pourront libérer leur arme
chimique.
Leur emploi à l'intérieur des locaux n'est pas
non plus
sans danger pour la santé. Ainsi, la technique de
l'aspirateur
permet de les capturer rapidement sans qu'elles aient eu le temps de
réagir. L'astuce consiste à utiliser un collant,
comme
filtre, après l'avoir introduit dans le tube de
l'aspirateur. Pour les tuer il suffit de les noyer dans un
peu d'eau savonneuse (liquide vaisselle). Rien ne sert de vouloir les
protéger. En les relâchant à
l'extérieur, soit
elles vont occasionner leurs méfaits ailleurs, soit elles
vont revenir ! Le risque de ces destructions est de tuer des
coccinelles autochtones par confusion. Il faudra également
veiller à les empêcher de
pénétrer par les
aérations souvent présentes au niveau des
fenêtres
ou des façades en y plaçant des moustiquaires et
bien
sûr fermer portes et fenêtres.
Des solutions pour l'avenir ? En 2007, des
chercheurs de
la
Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux
(FUSAGx Belgique) sont parvenus, après plusieurs
années
d'études, à comprendre le langage chimique de la
Coccinelle asiatique. Ils sont parvenus à décrire
cette
phéromone d'agrégation. Sa synthèse
permettra
peut-être la mise au point de pièges qui,
espérons
le, seront suffisamment efficaces et spécifiques. Il faudra
là aussi veiller à ce que d'autres
espèces ne soient
pas attirées et se fassent piéger.
L'adaptation de parasitoïdes locaux à cette nouvelle venue, permettra peut-être également de la limiter naturellement (BIOTOP, 2007). Mais là également apparaît un nouveau risque pour les espèces locales. En effet, si les populations de parasitoïdes de la Coccinelle à quatre points Harmonia quadripunctata (Pontoppidan, 1763), espèce locale, parviennent à s'adapter, on peut craindre qu'elles vont croître et par conséquent occasionner une pression plus importante sur l'espèce locale dont les effectifs sont plus faibles. La poursuite de la commercialisation de cette espèce : Même si
cela ne stoppera plus son expansion nous demandons
aux autorités de faire le
nécessaire pour
que la commercialisation de cette espèce sous toutes ses
formes,
"bon voilier" et "sédentaire", soit également
interdite
à l'instar d'autres pays européens. En Allemagne
le
lâcher est soumis à une autorisation
administrative au cas
par cas, sous peine d'amende (BBA,
2003).
Sa commercialisation est déjà interdite
en
Suisse, Grande-Bretagne et Belgique.
La firme BIOTOP, "filiale" de l'INRA, poursuit la vente de la Coccinelle asiatique sous une forme "sédentaire", aux muscles ailaires atrophiés. Les arguments avancés par cette entreprise commerciale mettent en avant la mobilité réduite de cette souche sélectionnée. Pourtant de nombreux insectes aptères ont déjà montré leur capacité à coloniser de vastes territoires : divers charançons, comme par exemple celui du troène, une petite sauterelle le Méconème fragile Meconema meridionale (Costa, 1860) ; la forme "sédentaire" proposée en remplacement n’offre donc toutes les garanties d’innocuité. Nous demandons
également l'arrêt des tests menés en
pleins-champs avec la forme "sédentaire" dans
différentes
régions françaises dont l'Alsace sur le houblon
(PIOTTE,
<2008).
Cette forme
"sédentaire", malgré ses
gênes homozygotes, va bien s'accoupler avec la forme
"bon
voilier" pour créer de nouveaux
hétérozygotes.
Selon l'exemple
fournit on
constate que, conformément aux lois de l'hybridation, le
gène est "récessif", ce qui est dommage
car il ne
parviendra éventuellement qu'à affaiblir la
dynamique de
l'espèce. De toute manière, la population
"sauvage" est
tellement importante, que cela ne changera pas grand chose. Par
ailleurs, ce n'est pas parce que la présence
de Coccibelle© sur une culture n'empêche pas
l'arrivée d'autres auxiliaires, dont Adalia
bipunctata,
qu'elles ne vont pas devoir se partager la table et
les dévorer.
La firme BIOTOP
prône par ailleurs le recours
à l'introduction d'autres espèces exotiques pour
en faire
des auxiliaires, en se basant sur de nombreux succès obtenus
ainsi dans d'autres pays.
La commercialisation et l'utilisation devraient se limiter aux seules espèces autochtones, comme Adalia bipunctata, même si pour certains il faut leur attribuer un nom commercial, tel que Coccifly© ! Mais peut-on éthiquement déposer une marque commerciale sur une espèce sauvage ? De toutes les manières, il sera bientôt inutile d'acheter cette espèce dans les zones où elle pullulera ! Conclusion : L'invasion de
cette espèce illustre bien le fait que toute
méthode de lutte possède ses avantages et ses
désavantages, y compris malheureusement la lutte biologique.
Si
l'emploi d'insecticides tue beaucoup plus d'insectes
appartenant à des espèces non ciblées
et non
gênantes pour la culture à protéger,
surtout
lorsque leur emploi est massif et non raisonné, il peut
néanmoins être stoppé ou
interdit. Les
causes principales de disparition des insectes en Alsace, sont
prioritairement la disparition et la transformation des milieux naturels
(la mise en culture de plus en plus de terres, la fertilisation des
prairies, le développement des zones artisanales,
commerciales,
de loisirs et des lotissements, le gyrobroyage
généralisé et excessif des bas
côtés,
la disparition des haies, les prairies fleuries
exotiques...). Par
contre, lutter contre une espèce exotique lorsqu'elle est
invasive est quasiment impossible. De plus en plus d'espèces
exotiques parasitoïdes sont ainsi introduites et
commercialisées dans le cadre de la
lutte biologique, certes elles doivent désormais monter
patte
blanche avant que leur usage puisse être homologué
en
France et dans l'Union Européenne, mais ces tests peuvent-il
réellement garantir leur innocuité ?
Plutôt que d'acheter et d'élever des coccinelles exotiques ne vaut-il pas mieux de favoriser les espèces naturellement présentes ? Pour cela, il convient déjà dans un premier temps de leur laisser quelques zones refuges en "friche" dans nos jardins et nos campagnes : haies, massifs de lierre, de ronces et d'orties, et veiller à ne pas vouloir tout rendre propre. Cela permettra aux espèces locales d’y trouver un refuge et d’être présentes dès le début des pullulations de pucerons. Puis dans un second temps on évitera l'emploi intempestif d'insecticides, et si un traitement ne peut vraiment pas être évité on choisira une substance active insecticide qui les épargnera, tout comme d'autres insectes et auxiliaires (chrysopes, syrphes, punaises...), tel le pyrimicarbe qui est un aphicide strict. Comment nous aider à mieux connaître cette espèce :
formulaire de saisie.
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Remerciements : MM. Henry CALLOT, Sylvain HUGEL, Bernard SCHMELTZ. |
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Citation
recommandée : BRUA C. (SAE) : La Coccinelle asiatique Harmonia axyridis en Alsace. http://www.societe-alsacienne-entomologie.fr page : http://soc.als.entomo.free.fr/axyridis.html consultation du (date). |
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Accès à la : Liste des INSECTES EXOTIQUES présents en Alsace |